Élision
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L’élision est un type d’apocope, qui sont toutes deux des modifications phonétiques ressortissant aux métaplasmes. Elle consiste en l’amuïssement de la voyelle finale d’un mot devant un autre mot à initiale vocalique (en d’autres termes, l’effacement d’une voyelle en fin de mot devant la voyelle débutant le mot suivant) ; c’est une possibilité de résolution de l’hiatus (comme la liaison) et donc, pour le coup, aussi une forme de synalèphe.
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Élision en français [modifier]
L’élision est obligatoire en français pour le phonème /ǝ/ (dit « e caduc » ou « e muet ») en fin de mot devant une voyelle ; elle est alors parfois notée dans l’orthographe par une apostrophe. L’élision n’est en effet représentée graphiquement que pour certains mots, parmi lesquels :
- le : le + arbre → l’arbre ;
- de : de + arbre → d’arbre ;
- ce (pronom) : ce + était → c’était,
- etc.
Dans la plupart des cas, elle n’est pas écrite mais bien prononcée : chante avec moi → chant’avec moi, tu chantes + avec moi → tu chant’avec moi, ils chantent + avec moi → ils chant’avec moi. Dans le vers poétique français, l’élision du « e caduc » suit des règles strictes (décrites dans l’article sur le vers), pour des raisons métriques, en fin de mot devant voyelle ou en fin de vers :
- Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle (Pierre de Ronsard)
- =
- Quand vous serez bien vieill’, au soir, à la chandell’
La lecture correcte d’un vers passe par celle des liaisons. Or, s’il est normal de prononcer tu manges enfin comme tu mang’enfin (le s de -es n’appelle pas la liaison), dans un vers classique il faudra lire tu mange-z-enfin, avec e « caduc » et liaison.
D’autres voyelles peuvent être concernées, comme /i/ dans si : si + il → s’il. Les élisions d’autres voyelles que le e « caduc » sont rares et toujours écrites, sauf dans la langue parlée, dans un registre courant : tu es sera réalisé [te], qu’on pourrait transcrire t’es.
L’élision permet donc d’éviter l’hiatus mais ce n’est pas le seul procédé disponible. En français toujours, l’hiatus peut aussi être éliminé par l’insertion d’une consonne euphonique. Par exemple, ce, quand il est déterminant devient cet (par imitation du féminin) : ce + arbre → cet arbre, ou bien dans donne-t-il.
Disjonction [modifier]
Certains mots débutant par une voyelle ne peuvent être précédés d’un autre mot élidé. On dit dans ce cas qu’il y a disjonction. Les disjonctions les plus fréquentes en français sont dues à la présence d’un h « aspiré », qui interdit tout enchaînement entre deux mots (liaison ou élision). Par exemple, haricot commence par un tel h : on doit donc dire le haricot /lə aʁiko/ et non *l'haricot /laʁiko/ (dans la langue familière, le h « aspiré » est souvent omis).
D’autres empêchent l’élision sans commencer par un tel h : ce sont des mots fréquents et monosyllabiques dont on a voulu conserver l’identité : onze, un (quand il est numéral et non article (grammaire)), huit (mais on fait la liaison dans les nombres composés : dix-huit /diz‿ɥit/, vingt-huit /vɛ̃t‿ɥit/). Par exemple, on dira le Onze de France, je compte de un à trois, numéro gagnant : le huit).
Orthographe [modifier]
L’apostrophe est le symbole typographique propre à l’élision. Même si toutes les élisions n’en sont pas marquées, toute apostrophe procède de l’élision.
Or, dans certains mots composés, elle est fautive. Presqu’île est correct, mais les graphies anciennes grand’mère, grand’rue ou la graphie actuelle prud’homme ne sont pas motivées. En effet, il n’y a étymologiquement pas de -e élidé que l’apostrophe remplacerait. Grand dans les mots composés dont le deuxième terme est féminin (mère, rue) est un ancien féminin (grant en ancien français, écrit grand plus tard). Grand-mère et grand-rue sont donc des constructions archaïques qui ne nécessitent pas l’apostrophe. Le 9e dictionnaire de l’Académie française autorise la graphie grand’mère[1]. Quant à prud'homme, il devrait s’écrire soit prud homme soit prudhomme car c'est un mot composé d’une forme archaïque de preux, à savoir prod, sans e final (c’est un masculin).
Création de nouveaux mots par élision [modifier]
L’élision peut être à l’origine de nouveaux mot issus d’une agglutination puis d’une métanalyse : moyen français ma + amie → m’amie est interprété en français moderne mamie, réinterprété ensuite par métanalyse en ma + mie.
Dans d’autres langues [modifier]
L’élision ne se limite pas au français ; de nombreuses langues la pratiquent, comme le latin (sans notation particulière ; l’élision se découvre grâce à la scansion de vers), le grec (notée par une apostrophe), le gaélique, l’italien (avec apostrophe écrite), etc.
Notez que l’apostrophe ne représente pas systématiquement une élision : celle de l’anglais I’m « je suis » sert à remplacer la voyelle a de am, tombée par aphérèse, celle dans doesn’t (pour does not) l’étant par amuïssement au sein d’un groupe de mots univerbés. Aucune n’est une voyelle finale devant voyelle initiale.
Notes et références [modifier]
Articles connexes [modifier]
Schwa
Le terme schwa /ʃva/, qui est la transcription d'un mot hébreu (שווא, suivant l'orthographe moderne) signifiant « vain » (comme « en vain », « vacuité »), est employé en linguistique pour désigner la voyelle neutre, centrale, notée [ə] en alphabet phonétique international.
Cette voyelle existait autrefois en français, mais s'est transformée dès l'époque classique en « e caduc » (ou « e muet ») qui soit se rapproche de [œ] (mais certains phonéticiens le notent néanmoins [ə][1], cf. infra), soit ne se prononce pas du tout. On la trouve fréquemment en position atone dans d'autres langues romanes, comme le portugais de Lisbonne, le roumain, certains dialectes italiques centraux-méridionaux (Campanie, Abruzzes, etc.)
On la trouve aussi en anglais (la majorité des voyelles non accentuées s'y réalisent ainsi), dans la plupart des dialectes bretons et dans beaucoup d'autres langues.
On considère souvent qu'il existe des variantes de schwa ; ces variantes sont notamment dues à la "coloration" apportée par les consonnes adjacentes: on parle alors de "schwa" antériorisé ou postériorisé (les phonéticiens russes les notent respectivement [ь] et [ъ]); l'avatar moderne du schwa français mentionné plus haut peut aussi être décrit comme un "schwa arrondi" (labialisé).
Le caractère ə (et Ə en capitale) est aussi utilisé dans l'écriture de l'azéri dans l'alphabet latin adopté peu après l'indépendance de l'Azerbaïdjan (Azərbaycan) dans la dernière décennie du XXe siècle. Donné comme intermédiaire entre le a et le è français ce ə azéri correspondrait au [æ] de l'alphabet phonétique et non au [ə] de l'alphabet phonétique.
Références [modifier]
- ↑ Par exemple Pierre R. Léon, dans son manuel Phonétisme et prononciations du français, Paris, éd. Fernand Nathan, coll. "Université" (Série "Linguistique"), 1992, passim.
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