vendredi 3 octobre 2008

L'affaire al-Dura ou le renforcement dES stéréotypes antijuifs...

L'affaire al-Dura ou le renforcement dES stéréotypes antijuifs...

______________________________ Pierre-André Taguieff ______________________________

Directeur de recherche au CNRS, membre du comité de rédaction du Meilleur des Mondes


Le jeudi 18 septembre, à 20h30, le MJLF (Mouvement Juif Libéral de France) organise une confrontation de points de vue sur l'affaire al-Dura entre Arlette Chabot et Philippe Karsenty, animée par le journaliste Antoine Spire. La rencontre aura lieu au 11, rue Gaston de Caillavet, à Paris dans le 15ème arrondissement de Paris (Beaugrenelle). Dans le long article que nous mettons exceptionnellement en ligne, Pierre-André Taguieff retrace l'histoire des huit années de malaises et de malentendus, de débats houleux et de procès explosifs, qui, depuis octobre 2000, ont été provoqués par le court reportage, commenté par Charles Enderlin sur France 2, sur ce qui fut présenté comme la mort en direct du jeune Palestinien Mohammed al-Dura, aussitôt érigé en martyr. Ces images-choc, qui ont lancé et symbolisé la seconde Intifada, ont été
dénoncées par des experts et des journalistes comme trompeuses et mystificatrices. Pierre-André Taguieff propose une interprétation globale des divers aspects de cette affaire, aujourd'hui internationalement médiatisée, sans en cacher les zones d'ombre, en la replaçant dans son contexte idéologico-politique, celui de la guerre médiatique à outrance menée contre Israël et le sionisme.


L’un des grands thèmes antijuifs est porté par la légende du crime rituel, qui, esquissée dans le monde antique, s’est formulée et largement diffusée dans l’Europe chrétienne du milieu du XIIe au XVe siècle, provoquant et légitimant d’épouvantables massacres de Juifs. Les récits de crime rituel sont passés du statut de la légende médiévale à celui du mythe moderne au cours des XVIIIe et XIXe siècles. C’est sur la base de ces récits de meurtres fictifs que s’est forgée la représentation raciste du Juif comme criminel-né, ou, dans la langue des nazis, comme « criminel héréditaire ». Dans les discours de propagande antijuifs d’après la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement depuis la création de l’État d’Israël, la criminalisation des Juifs s’est nourrie de prétendus « massacres » commis systématiquement par les « sionistes », terme qui a perdu son sens historique et politique pour ne plus fonctionner qu’en tant que terme polémique, voire comme une insulte. Au début du XXIe siècle, la vieille et triste histoire qu’est la légende du « crime rituel juif » continue d’être racontée dans certaines régions du monde. Mais la grande nouveauté est que, sous de nouvelles formes, elle circule internationalement comme un thème d’accusation visant l’État d’Israël et les « sionistes », stigmatisés comme des « criminels », ainsi que l’attestent les slogans « Mort à Israël » et « Sionistes assassins »(1).

Le principal motif de l’accusation de « crime rituel », forgée par l’antijudaïsme chrétien médiéval à partir du XIIe siècle, est bien connu : l’affirmation qu’existe une coutume juive consistant à sacrifier chaque année, à la veille de la Pâque juive (Pessah), un chrétien, un enfant de préférence, soit en le crucifiant, soit en l’égorgeant pour en recueillir le sang, censé servir à fabriquer la matza, le pain azyme consommé pendant la fête de Pâque par les Juifs, commémorant l’exode d’Égypte(2). Le « crime rituel » par excellence, c’est l’infanticide rituel. Cette accusation antijuive, d’origine européenne et chrétienne, a largement été acclimatée au XIXe siècle au Moyen-Orient. Dans ce nouveau contexte culturel, les enfants chrétiens, longtemps érigés en « martyrs » et objets de culte, ont été concurrencés puis remplacés par les enfants musulmans. On trouvait une récente mise en scène du stéréotype du Juif cruel et sanguinaire, criminel rituel, dans les caricatures, courantes dans les pays arabes jusqu’aux derniers mois de 2004, qui représentaient Ariel Sharon en vampire, les yeux injectés de sang, buvant du sang arabe, ou en ogre dévorant un ou plusieurs enfant(s) Palestinien(s)(3). La représentation répulsive du « sioniste » en tant que criminel-né a été recyclée par le discours de propagande « antisioniste » présentant l’armée israélienne comme une bande de tueurs assoiffés de « sang palestinien », et plus particulièrement de tueurs d’enfants palestiniens, prenant plaisir à les tirer « comme des lapins ». De l’amalgame polémique « sionisme = racisme », on est passé au stade suprême de la propagande antijuive, fondé sur l’équation « sionisme = palestinocide », le « palestinocide » étant présenté de préférence comme un infanticide.

I. Vue d’ensemble sur l’affaire al-Dura : origine et évolution

Dans la construction du « sionisme » comme une entreprise génocidaire, les propagandistes font ainsi feu de tout bois : après avoir transformé les Palestiniens en symboles des pauvres, des humiliés et des offensés, puis en victimes de « l’impérialisme d’Israël » ou du « racisme » incarné par « le sionisme », et, plus largement, d’un « complot américano-sioniste » mondial, ils leur donnent le visage de prétendus enfants « martyrs ». C’est en effet par assimilation avec la légende du « crime rituel juif » que s’est opérée l’exploitation internationale, par toutes les propagandes « antisionistes », du prétendu assassinat par l’armée israélienne, au cours d’une fusillade au carrefour de Netzarim (bande de Gaza), le 30 septembre 2000 - alors que commençait la seconde Intifada -, du jeune Palestinien Mohammed al-Dura, selon des images prises par le caméraman palestinien Talal Abu Rahma, diffusées le jour même par France 2 au journal de 20 heures, et commentées en voix off par le journaliste franco-israélien Charles Enderlin(4). Érigé en enfant « martyr », « le petit Mohammed » est aussitôt devenu la figure emblématique de l’Intifada al-Aqsa : les images du prétendu meurtre du jeune palestinien par l’armée israélienne, réactivant le stéréotype du « Juif tueur d’enfants », ont été diffusées à de nombreuses reprises sur la chaîne de télévision de l’Autorité Palestinienne, désireuse d’instrumentaliser l’indignation pour mobiliser ses troupes dans sa guerre non conventionnelle contre Israël. En outre, France 2 a réalisé des copies du reportage et, d’une façon inhabituelle, les a distribuées sous forme de cassettes-vidéo à des chaînes concurrentes, comme CNN ou la BBC(5). Dès les premiers mois de sa diffusion, ce reportage est apparu à la fois comme trompeur et incendiaire, délivrant à tous les ennemis d’Israël, et plus largement des Juifs, un permis de tuer. La diffusion de ces images, puissant appel à la vengeance meurtrière, a fonctionné comme une opération de propagande « antisioniste » d’extension internationale.

Dans les quatre années qui suivirent, marquées par des violences antijuives commises au nom du jeune « martyr » Mohammed al-Dura, les doutes se sont multipliés sur la valeur de vérité de l’interprétation des images. L’examen critique de ces dernières a permis d’établir que ce reportage avait été diffusé sans que France 2 et son journaliste Charles Enderlin se fussent assurés préalablement de son objectivité. Les interrogations sur la fiabilité du reportage ont été renforcées par les contre-enquêtes et les expertises faites à partir de l’automne 2000. La polémique a été lancée dans les premiers mois de 2001, sans pour autant avoir le moindre écho en France dans la grande presse. Rappelons quelques étapes marquantes de cette histoire. Le journaliste et documentariste Pierre Rehov a enquêté sur la « mort du petit Mohammed » d’octobre 2000 à juin 2001. Cette enquête a servi de base documentaire à une plainte contre France 2, déposée auprès de la 6e chambre correctionnelle de Paris au printemps 2001. Des éléments d’information supplémentaires ont été fournis par les investigations du physicien civil Nahum Shahaf et de l’ancien tireur d’élite Yossi (Joseph) Doriel, chargés de reconstituer les faits et d’en analyser le déroulement dans le cadre de l’enquête menée par l’armée israélienne à la requête du général Yom-Tov Samia, chargé de la sécurité en zone sud, qui, une fois en possession des résultats de ladite enquête, a conclu qu’il était plus probable que l’enfant avait été tué par les Palestiniens que par les Israéliens » et n’a pas hésité à caractériser la « mort en direct » de l’enfant comme « une superproduction de la propagande palestinienne ». Il faut rappeler également le documentaire réalisé par la journaliste allemande Esther Shapira : « Qui a tué Mohammed al-Dura ? » (2001-2002), diffusé à la fin de mars 2002 sur la chaîne allemande ARD (partenaire d’Arte) et disponible en DVD depuis l’automne 2004 (« Contre-Champs », n° 6, septembre 2004). Ce documentaire souligne le manque de preuves matérielles permettant notamment de déterminer l’origine des tirs, relève comme un fait significatif l’absence d’une véritable autopsie de l’enfant, et conclut à la responsabilité vraisemblable des Palestiniens dans « la mort de Mohammed al-Dura ». La première étude critique d’ensemble sur l’affaire a été publiée en janvier 2003 par Gérard Huber sous le titre Contre-expertise d’une mise en scène(6). Cet ouvrage a été suivi par l’enquête remarquable de James Fallows, « Who Shot Mohammed al-Dura ? », parue dans Atlantic Monthly, en juin 2003(7). ainsi que par la publication, en décembre 2003 et en janvier 2004, des recherches menées par le journaliste d’investigation Jean-Paul Ney à la demande de la Ména (Metula News Agency) et de son rédacteur en chef, Stéphane Juffa : « Affaire al-Dura : l’autopsie d’un mensonge »(7), et « L’affaire al-Dura, la vérité cachée »(8). Toutes ces enquêtes convergent en direction de l’hypothèse d’une « mise en scène », dont le dénouement tragique (la mort de l’enfant, tué par des soldats israéliens) reste lui-même objet d’interrogations(9).

Le tournant dans l’histoire des débats et controverses a eu lieu lorsque France 2 et Charles Enderlin ont décidé d’engager des poursuites contre Philippe Karsenty pour avoir publié sur le site de Media-Ratings, agence de « notation des médias » qu’il dirige, un article intitulé « France 2 : Arlette Chabot et Charles Enderlin doivent être démis de leurs fonctions », où l’on pouvait lire notamment : « Au regard des éléments dont nous disposons, nous affirmons que le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin, a effectivement diffusé un faux reportage ce 30 septembre 2000. » Ce fut la naissance de « l’affaire al-Dura », dans laquelle, si l’on néglige comme grossière propagande la thèse officielle de l’Autorité palestinienne selon laquelle les soldats israéliens aurait sciemment assassiné l’enfant, trois thèses n’ont cessé de s’affronter en référence au reportage de France 2 : 1° la thèse de la bavure militaire tragique, ayant provoqué la mort de l’enfant ; 2° la thèse de l’erreur d’interprétation du journaliste, supposé de bonne foi ; 3° la thèse de la mise en scène palestinienne et de la manipulation anti-israélienne(10). Cette affaire a donc été doublée d’une « affaire Enderlin » (ou « Enderlin et France 2 ») : le correspondant de France 2 s’est-il trompé ou bien a-t-il été trompé ? Dans les deux cas de figure, on pouvait lui reprocher d’avoir trompé le public, en refusant de reconnaître comme non fondées ou pour le moins fort douteuses les deux affirmations constitutives de son commentaire : en premier lieu, l’origine israélienne des tirs mortels – jugée hautement improbable par les expertises balistiques - ; en deuxième lieu, la « mort en direct » de Mohammed al-Dura, dont le reportage de France 2 ne comporte aucune image – les rushes ont permis au contraire de voir, dans l’image qui suit la dernière du reportage, l’enfant relever la tête et lever un bras après sa mort supposée. Mais certains sont allés plus loin dans la critique, en soutenant la thèse qu’il y avait eu collusion ou complicité entre le journaliste de France 2 et son caméraman palestinien, dans le cadre d’une manipulation, voire d’un complot, organisé par des Palestiniens pour criminaliser l’État d’Israël. C’est cette accusation d’escroquerie politico-médiatique qui a placé Charles Enderlin au centre de la controverse. On peut cependant soutenir la thèse de la manipulation palestinienne sans accuser Charles Enderlin et France 2 de complicité, ni écarter la thèse de la mort de l’enfant. Il suffit de supposer, à la suite de l’un des deux experts nommés par le général Samia dans le cadre de son enquête (octobre 2000), l’ingénieur et ancien tireur d’élite Joseph Doriel, que ce furent des tireurs palestiniens, embusqués derrière le caméraman Talal Abu Rahma, qui tuèrent l’enfant et blessèrent son père. Dans un article publié le 7 novembre 2000, la journaliste israélienne Anat Cygielman a exposé publiquement la thèse de Doriel(11), qui a ensuite été commentée de façon détaillée par David Kupelian, dans un article daté du 4 décembre 2000(12). Le journaliste Menahem Macina l’a faite sienne, dans un long article en forme de mise au point, paru le 27 novembre 2004 : « Al-Dura victime de Palestiniens, pas d’un complot journaliste »(13).

La période allant de l’hiver 2004 au printemps 2008 a été dominée par la judiciarisation du débat(14). Elle a été ponctuée d’abord par le jugement de la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2006, condamnant Philippe Karsenty pour avoir « porté des allégations ou imputations de faits portant atteinte à la considération » de France 2 et de Charles Enderlin, condamnation pour diffamation largement médiatisée(15), puis par l’arrêt qu’a prononcé la cour d’appel de Paris le 21 mai 2008, qui infirme le jugement de première instance, déboutant donc France 2 et Charles Enderlin, en reconnaissant que Philippe Karsenty a « exercé de bonne foi son droit de libre critique » sans « dépasser les limites de la liberté d’expression ». Or, la presse française a fait silence sur la relaxe de Philippe Karsenty, à l’exception notable du quotidien Le Monde, dont les lecteurs ont pu prendre connaissance de cet extrait de l’arrêt du 21 mai 2008 : « Il est légitime pour une agence de notation des médias d’enquêter, ne serait-ce qu’en raison de l’impact qu’ont eu [ces] images, sur les conditions dans lesquelles le reportage en cause a été tourné et diffusé. (16)» La cour d’appel de Paris a ainsi délivré un « permis de douter » dans ce qui est devenu l’affaire al-Dura.

Il s’agit d’une affaire complexe, à plusieurs étages(17). La confusion des débats sur cette affaire vient de ce qu’elle en enveloppe plusieurs, qui s’entrecroisent et interfèrent, renvoyant à un épisode du conflit israélo-palestinien (la seconde Intifada), à l’instrumentalisation des médias par la propagande « antisioniste », à la guerre pluridimensionnelle menée internationalement contre Israël et les « sionistes », à la déontologie du journalisme (pour l’établissement des faits) et à l’éthique du journaliste (pour la reconnaissance de ses erreurs). Compte tenu de la gravité de cette affaire, due au rôle joué par les images de France 2 dans le déclenchement de la vague antijuive des années 2000, il convient de l’analyser de façon détaillée.

II. L’enchaînement des événements et le choc des interprétations

Au début de l’après-midi du 30 septembre 2000, le caméraman palestinien Talal Abu Rahma, travaillant régulièrement depuis 1988 pour France 2 en collaboration avec le journaliste Charles Enderlin, correspondant permanent de la chaîne publique en Israël – depuis 1981 -, avait filmé environ vingt-sept minutes de l’incident, constituant les rushes du reportage. La chaîne publique France 2 a diffusé le soir même, dans son journal, un court extrait (57 secondes) du reportage contenant l’image-choc de la « mort en direct » du jeune Palestinien de 12 ans, qui aurait été « tué de sang-froid », dans les bras de son père, par des soldats israéliens. Cette image de l’enfant inerte, présentée par Charles Enderlin - qui n’était pas présent à Netzarim sur le lieu de la fusillade - comme la preuve de la mort de l’enfant, a été diffusée et rediffusée par tous les médias de la planète, véhiculant et renforçant le stéréotype du Juif criminel et pervers, assassin d’enfants. Il convient de rappeler précisément le commentaire fait par Charles Enderlin à ces images sélectives :« 15 heures. Tout vient de basculer près de l’implantation de Netzarim, dans la bande de Gaza. Les Palestiniens ont tiré à balles réelles, les Israéliens rispostent. Ambulanciers, journalistes, simples passants sont pris entre deux feux. Ici, Jamal et son fils sont la cible de tirs venus des positions israéliennes. Mohammed a douze ans, son père tente de le protéger. Il fait des signes. (…) Mais une nouvelle rafale. Mohammed est mort, et son père gravement blessé. »

Deux affirmations non fondées, dénuées de peuves matérielles, apparaissent dans ce commentaire : 1° l’affirmation que les tirs dont Mohammed et son père semblent être la cible sont d’origine israélienne ; 2° l’affirmation que l’enfant est mort tandis que son père est blessé. Le 1er octobre 2000, sur France 2, Charles Enderlin revient sur ces événements, évoquant Mohammed, « enfant de douze ans dont Tal Abu Rahma, correspondant de France 2 à Gaza, a filmé la mort tragique », et annonce la publication d’un communiqué de l’armée israélienne « regrettant les pertes en vies humaines et affirmant qu’il n’est pas possible de déterminer l’origine des tirs ». On aura noté que cette dernière affirmation est en contradiction avec le commentaire d’Enderlin, en dépit du fait que cette première réaction des autorités israéliennes était elle-même tributaire des seules images de France 2.

À l’antenne de France 2, le 2 octobre 2000, Talal Abu Rahma a déclaré qu’il était « sûr que les tirs provenaient du côté israélien ». Cette interprétation de la courte séquence de moins d’une minute, qui avait commencé son tour du monde dévastateur, a été confirmée par la déclaration faite sous serment par le même Talal Abu Rahma devant l’organisation palestinienne de défense des droits de l’homme, à Gaza, le 3 octobre 2000 : « L’enfant a été tué intentionnellement et de sang-froid par l’armée israélienne. »

Les effets d’incitation au meurtre de la diffusion de ces images ainsi interprétées ont été immédiats : le 12 octobre 2000, à Ramallah, aux cris de « vengeance pour le sang de Mohammed al-Dura ! », des Palestiniens déchaînés ont lynché deux réservistes israéliens, dont ils ont mis en pièces les corps. On a vu, à la fenêtre du poste de police où le double meurtre venait d’avoir lieu, l’un des lyncheurs brandissant fièrement ses mains dégoulinantes de sang, devant une foule en délire. La haine et la violence meurtrière contre les Juifs paraissaient justifiées. C’est pourquoi la seconde Intifada, avec ses effets d’imitation hors des lieux du conflit, a été lancée sur le marché médiatique mondial d’une façon particulièrement efficace par ce montage d’images destiné à provoquer l’indignation. Dans ce contexte, le président français Jacques Chirac, accueillant le 4 octobre 2000 le Premier ministre israélien Ehoud Barak à Paris, a cru pouvoir lui lancer : « Ce n’est pas une politique de tuer des enfants. » Lors d’une manifestation pro-palestinienne organisée à Paris, place de la République, le 7 octobre 2000, à l’appel de multiples associations (dont l’Union générale des étudiants de Palestine en France, le MRAP et la Ligue des droits de l’homme) et de partis politiques (les Verts, la LCR), des cris « Mort aux Juifs ! » et « Juifs assassins ! » furent lancés dans un contexte de nazification frénétique d’Israël, des Israéliens et des Juifs en général. Des panneaux portaient l’image du « petit Mohammed » et de son père, sous le feu supposé des soldats israéliens, transformé en « assassins » et en « nazis ». On lisait par exemple sur une affiche : « Stop au terrorisme juif hitlérien ! 1 Palestinien mort = 1000 inhumains (Juifs) morts ». Une première depuis la Libération(18). Dans diverses autres manifestions pro-palestiniennes en Europe, l’effigie d’un cercueil d’enfant était arborée en tête de cortège. De son côté, le poète palestinien Mahmoud Darwich composait un poème à la mémoire de cet « oiseau terrorisé par l’enfer tombant du ciel », qui « voudrait rentrer à la maison », mais qui « fait face à une armée » et « voit venir sa mort, inexorable ». Dans ce poème engagé, on apprend aussi que le jeune garçon fut abattu par le « fusil de chasseur de sang-froid ». L’inspiration du poète était en parfait accord avec la propagande de l’autorité palestinienne qui, sur le site officiel de l’université de Gaza, diffusait le message suivant : « Le meurtre du petit Mohammed al-Dura a été commis intentionnellement et de sang-froid. »

La « mort atroce » supposée de l’enfant « martyr », tué par les « sionistes », est ainsi devenue sans tarder une légende, et l’enfant objet de culte dans les pays arabo-musulmans. On connaissait la transfiguration médiatique du Che, avec ses implications commerciales : celle de l’enfant al-Dura n’a rien à lui envier. Elle présente en outre de frappantes analogies avec le traitement des prétendus « enfants martyrs », sanctifiés ou canonisés à l’issue de certaines affaires médiévales de meurtre rituel. Quoi qu’il en soit, à partir du début d’octobre 2000, on voit l’image-choc du « petit Mohammed » à la télévision, dans les manuels scolaires, sur des timbres-poste et des tee-shirts. Mondialement diffusée durant l’année 2002, la vidéo de propagande réalisée par les islamistes pakistanais qui avaient assassiné le journaliste américain Daniel Pearl paraissait justifier l’assassinat sauvage et théâtralisé du « Juif Daniel Pearl », véritable crime raciste(19), par le « martyre » du jeune musulman Mohammed al-Dura, reconnaissable en arrière-plan de la photo du journaliste avant son égorgement. Dans l’opinion occidentale, on a pu observer des réactions semblables à celle d’une journaliste fort estimable par ailleurs, Catherine Nay, déclarant sur Europe 1 : « Avec la charge symbolique de cette photo, la mort de Mohammed annule, efface celle de l’enfant juif, les mains en l’air devant les SS, dans le Ghetto de Varsovie. » La suggestion est claire, et illustre parfaitement l’idéologie de la substitution : le « racisme anti-arabe » aurait remplacé le « racisme antijuif », l’arabophobie et l’islamophobie représenteraient la forme contemporaine de la judéophobie. Dans la société de communication planétaire, les images peuvent constituer des armes redoutables, dès lors qu’elle inspirent des désirs de vengeance et alimentent la propagande en faveur du Jihad mondial(20).

L’historien médiéviste américain Richard Landes voit à juste titre dans cette affaire de « martyr » ultramédiatisée, rejouant contre Israël l’accusation d’infanticide rituel, le « premier “meurtre rituel” du XXIe siècle »(21). Il s’agit bien sûr d’une version actualisée de l’accusation de « meurtre rituel », sans référence à une quelconque fête juive (telle la Pâque) ni à des actes de cannibalisme rituel, et fortement imprégnée de « martyrisme », dans un contexte marqué par le culte islamiste du « shahîd » (martyr). À la suite de nombreuses contre-enquêtes mettant en cause la chaîne publique de télévision française, France 2, qui avait diffusé le court montage d’images (55 secondes) qui a fait le tour du monde, alimentant la haine à l’égard d’Israël et des Juifs, la mystification a commencé, à l’automne 2007, à être reconnue. À une mise en scène organisée par des Palestiniens sur place se serait ajoutée la sélection d’images due au journaliste Charles Enderlin, suivi en cela par les responsables de France 2(22), et bien sûr le commentaire « explicatif » du journaliste. Charles Enderlin, dans un entretien avec Elisabeth Schemla réalisé le 1er octobre 2002, a rappelé ce qu’il avait dit lors du premier reportage, alors même qu’il n’était pas sur les lieux de la fusillade : « Ici, Jamal et son fils sont la cible de tirs venus de la position israélienne. (23)» Il ne faisait là que reprendre les propos tenus par son caméraman Talal Abu Rahma, qui avait affirmé sous serment le 3 octobre 2000 que l’enfant avait été « tué intentionnellement et de sang-froid par l’armée israélienne ». L’ennui, c’est que le caméraman palestinien s’était piteusement rétracté le 30 septembre 2002. Il avait donc menti sous serment le 3 octobre 2000 comme il avait menti le 30 septembre 2000 à Charles Enderlin, qui lui faisait entièrement confiance.

Pour dénoncer l’imposture, il n’est nul besoin de suspecter la bonne foi de Charles Enderlin, qui a vraisemblablement été trompé par son collaborateur(24). Il faut souligner le fait que l’attribution à des tirs israéliens de la mort supposée du petit Mohammed repose sur le seul témoignage, à géométrie variable, du caméraman palestinien. Or, ce qui a été établi par les diverses enquêtes conduites par des journalistes, des experts indépendants et par l’armée israélienne depuis octobre 2000, c’est que, au cas où le jeune al-Dura aurait été tué (ce qui reste à prouver(25), il l’aurait été selon une haute probabilité par une balle palestinienne(26). Il reste à savoir si l’enfant palestinien a été tué accidentellement ou délibérément par des tireurs palestiniens(27).

Dans une lettre datée du 23 septembre 2007, le directeur du Bureau de presse gouvernemental israélien, Danny Seaman, a estimé publiquement que les images avaient fait l’objet d’une manipulation de la part du caméraman Talal Abu Rahma. Il a précisé dans un entretien que, étant donné la position d’où tiraient les troupes israéliennes, les balles ne pouvaient pas toucher le père ni l’enfant. Il a aussi souligné que la vidéo ne montrait pas la mort du petit Mohammed. Dans une lettre datée du 10 septembre 2007, l’armée israélienne avait demandé à France 2 de lui communiquer, pour enquête, les rushes correspondant au reportage(28). Ces interventions significatives sont en fait le résultat d’initiatives individuelles qui, en dépit des sarcasmes, se sont poursuivies en vue de d’établir les faits, indépendamment des rumeurs. Outre les universitaires Richard Landes et Gérard Huber, les journalistes Denis Jeambar, Daniel Leconte et Luc Rosenzweig ont contribué à mettre en doute la conformité du reportage avec la réalité des événéments(29). Mais c’est surtout grâce aux efforts de Philippe Karsenty que l’icône victimaire al-Dura s’est transformée en « affaire al-Dura ». Après avoir visionné et analysé, avec d’autres observateurs, les rushes de France 2, Philippe Karsenty, jeune chef d’entreprise français qui dirige une agence de notation des médias, Media-Ratings, s’est engagé dans un combat difficile en diffusant sur son site, le 22 novembre 2004, les conclusions de son examen critique, qualifiant de « supercherie » sur la base d’une « série de scènes jouées » le reportage du correspondant permanent en Israël, Charles Enderlin, responsable du montage et du commentaire des images. Philippe Karsenty n’hésite pas alors à affirmer qu’il s’agit d’un « faux reportage » et d’une « imposture médiatique », bref d’un reportage truqué. La direction de France 2 et son journaliste Charles Enderlin engagent des poursuites contre Philippe Karsenty qui, après avoir été jugé coupable de diffamation en première instance, le 19 octobre 2006, par la 17e chambre correctionnelle de Paris, fait appel(30). À la demande de la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris, les rushes filmés par le caméraman palestinien sont visionnés et commentés par les deux parties au cours de l’audience du 14 novembre 2007. Mais, sur les 27 minutes de rushes qui ont été annoncées, France 2 n’en présente que 18, lesquelles donnent à voir notamment des répétitions de mise en scène de fausses fusillades, avec de faux blessés, ce qui suffit à jeter le doute sur le sérieux du reportage. Ce qui est sûr, c’est qu’il y avait un dispositif de mise en scène chez les Palestiniens présents sur les lieux. L’examen du fond de l’affaire est alors fixé au 27 février 2008.

Selon plusieurs articles de presse, le soupçon de truquage a été renforcé par le visionnage des rushes(31). La dépêche de l’AFP du 14 novembre 2007 a fort bien caractérisé le point en litige : « Alors que le reportage se terminait sur une image de l’enfant inerte, laissant à penser qu’il était mort à la suite des tirs, dans les rushes, on voit, dans les secondes qui suivent, l’enfant relever un bras. C’est un des éléments qui poussent M. Karsenty à affirmer qu’il y a eu mise en scène.(32) » Contrairement à ce qu’a déclaré Charles Enderlin, les rushes ne contiennent aucune « image insupportable d’agonie d’enfant »(33). En déclarant que l’agonie de l’enfant avait été filmée, Charles Enderlin semble avoir menti ou avoir été lui-même trompé, et s’être contenté d’en parler par ouï-dire. Quoi qu’il en soit, rien de tel n’avait été filmé. Contrairement à ce que les médias n’avaient cessé de répéter, la « mort en direct » de l’enfant n’a pas eu lieu. Si les rushes relatifs à « l’agonie » puis à la « mort de l’enfant » n’ont pas été présentés lors de l’audience du 14 novembre 2007, c’est tout simplement parce qu’ils n’existent pas. Il s’ensuit qu’il n’y a aucune preuve que l’enfant a été tué. Ce qui n’exclut pas bien sûr que l’enfant, au cas où il aurait été touché – par des balles de tireurs palestiniens ou par des balles perdues, elle-mêmes probablement d’origine palestinienne, ayant fait ricochet -, soit décédé à la suite de ses éventuelles blessures. Mais nous ne disposons d’aucune preuve de ce décès.

Le 27 février 2008, devant la 11e chambre de la Cour d’appel de Paris, Philippe Karsenty a cité le rapport d’un spécialiste de balistique, Jean-Claude Schlinger, expert en Armes et Munitions près la cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, intitulé Examen technique et balistique. Les conclusions de ce rapport confirment les doutes exprimés par divers spécialistes sur la version de Charles Enderlin et de son cameraman :

« Si Jamal et Mohammed al-Dura ont été atteints par balles, les tirs ne pouvaient techniquement pas provenir du poste israélien, mais seulement du poste palestinien PITA, ou de tireurs placés dans le même axe. Aucun élément objectif ne nous permet de conclure que l’enfant a été tué et son père blessé dans les conditions qui ressortent du reportage de France 2. Il est donc sérieusement possible qu’il s’agisse d’une mise en scène. (34)»

Le 21 mai 2008, la cour d’appel de Paris a prononcé un arrêt important dans l’affaire « Charles Enderlin et France 2 contre Philippe Karsenty »(35). Dans cet arrêt, la cour reconnaît notamment que les propos de Philippe Karsenty ont été publiés de bonne foi, dans le cadre d’une critique légitime du travail des médias. La cour affirme que « Charles Enderlin peut d’autant moins se soustraire à la critique qu’elle le vise en tant que professionnel de l’information ». Or, « l’enquête de Philippe Karsenty fait ressortir deux grands types de critiques à l’encontre du reportage, soit que Charles Enderlin ait présenté à tort les tirs mortels comme délibérés, en provenance des positions israéliennes, soit que les images de la mort du jeune Mohammed al-Dura, fictives, ne correspondent pas à la réalité commentée par le journaliste ». La cour évoque encore « les réponses contradictoires de Charles Enderlin aux interrogations relatives aux coupures existant dans son montage, comme celles de son cameraman au sujet de l’enchaînement des scènes filmées et des conditions du tournage ». À ce propos, la cour rappelle « les réticences persistantes de France 2 à laisser visionner les rushes de son cameraman », ainsi que « l’imprudente affirmation, par Charles Enderlin, qu’il aurait coupé au montage les images de l’agonie de l’enfant » et « les déclarations faites par plusieurs journalistes ayant visionné les rushes ». La cour d’appel cite en particulier le témoignage de Luc Rosenzweig, dans lequel ce dernier rapporte « qu’après avoir rencontré, en mai 2004, des confrères lui ayant fait part de leurs doutes sur le reportage de Charles Enderlin et s’en être ouvert, par la suite, à Denis Jeambar et à Daniel Leconte, il a visionné avec ceux-ci, le 22 octobre 2004, les rushes de France 2, et a été surpris de ce que, sur les 27 minutes des rushes de Talal Abu Rahma, plus de 23 minutes de scènes filmées n’avaient rien à voir avec les images diffusées par la chaîne, dont celles de la mort du petit Mohammed, et consistaient dans la présentation de fausses scènes de guerre par de jeunes Palestiniens ». À la suite du visionnage des « 18 minutes de rushes de Talal Abu Rahma communiquées par France 2 », la cour estime que leur examen « ne permet pas d’écarter les avis des professionnels entendus au cours de la procédure ou ayant versé leurs contributions aux débats, les attestations produites par les soins du cameraman ne pouvant pas, en revanche, au vu de leur présentation comme de leur contenu, être tenus pour parfaitement crédibles »(36).

III. Le lobby des intouchables

Dans un article intitulé « L’honneur du journalisme » paru le 7 juin 2008 dans Marianne, l’historien Élie Barnavi s’est justement interrogé sur l’étrange silence des médias français concernant le grand tournant dans l’affaire al-Dura, à savoir l’arrêt rendu le 21 mai 2008 par la cour d’appel de Paris : « N’est-il pas étonnant que le Monde fut le seul organe de presse national à rendre compte [le 25 mai 2008] du procès gagné devant la 11e chambre de la cour d’appel, par Philippe Karsenty, cet animateur d’un site de “notation des médias”, accusé de diffamation par Enderlin et France 2 ? Ce n’était pourtant pas une mince affaire que ce procès intenté par la principale chaîne publique française, et qui touche à la déontologie du métier de journaliste, la presse internationale ne s’y est pas trompée, qui s’en est fait largement l’écho. » À la question : « À qui la faute de cette omerta ? », nous répondrons avec Barnavi : « À l’esprit de corps. (37)»

L’arrêt du 21 mai 2008 a provoqué en revanche la publication dans Le Nouvel Observateur, le 5 juin 2008, puis dans Le Monde des 8 et 9 juin 2008, d’un « Appel pour Charles Enderlin », daté du 27 mai 2008 et signé par de très nombreux professionnels des médias, où le journaliste de France 2 est transfiguré en martyr de la cause journalistique « professionnelle ». Il convient de reproduire intégralement ce texte où l’indignation morale sur-jouée ne peut dissimuler un surprenant manque d’information sur l’affaire al-Dura, dont témoigne de façon caricaturale l’allusion aux « tirs venus de la position israélienne » (cette hypothèse, la plus improbable de toutes, étant scandaleusement présentée comme un fait établi sur la base de preuves)(38). Se faire l’écho de rumeurs anti-israéliennes de propagande, c’est se rendre complice d’une entreprise de désinformation. Voilà qui est grave pour des gens se réclamant de l’éthique du journalisme. Ce qu’on peut reprocher aux journalistes qui se sont précipités, sans la moindre connaissance du dossier, pour signer cet appel destiné à soutenir l’un de leurs collègues, c’est, outre l’arrogance consistant à contester une décision de justice, un corporatisme aveugle et une scandaleuse absence de conscience professionnelle(39). Voici donc le texte de cet étrange et pitoyable « Appel pour Charles Enderlin », rappel édifiant de l’intouchabilité d’un intouchable :

« Sept ans. Voilà sept ans qu’une campagne obstinée et haineuse s’efforce de salir la dignité professionnelle de notre confrère Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jerusalem. Voilà sept ans que les mêmes individus tentent de présenter comme une “supercherie” et une “série de scènes jouées”, son reportage montrant la mort de Mohammed al-Doura, 12 ans, tué par des tirs venus de la position israélienne, le 30 septembre 2000, dans la bande de Gaza, lors d’un affrontement entre l’armée israélienne et des éléments armés palestiniens. Le 19 octobre 2006, le tribunal correctionnel de Paris avait jugé le principal animateur de cette campagne, Philippe Karsenty, coupable de diffamation. L’arrêt rendu le 21 mai par la cour d’appel de Paris, saisie par Philippe Karsenty, reconnaît que les propos tenus par ce dernier portaient “incontestablement atteinte à l’honneur et à la réputation des professionnels de l’information” mais admet, curieusement, la “bonne foi” de Philippe Karsenty qui “a exercé son droit de libre critique” et “n’a pas dépassé les limites de la liberté d’expression”. Cet arrêt qui relaxe Philippe Karsenty nous surprend et nous inquiète. Il nous surprend, car il accorde la même crédibilité à un journaliste connu pour le sérieux et la rigueur de son travail, qui fait son métier dans des conditions parfois difficiles et à ses détracteurs, engagés dans une campagne de négation et de discrédit, qui ignorent tout des réalités du terrain et n’ont aucune expérience du journalisme dans une zone de conflit. Il nous inquiète, car il laisse entendre qu’il existerait désormais à l’encontre des journalistes une “permission de diffamer” qui permettrait à chacun, au nom de la “bonne foi”, du “droit de libre critique” et de la “liberté d’expression” de porter atteinte impunément “à l’honneur et à la réputation des professionnels de l’information”. Au moment où la liberté d’action des journalistes est l’objet d’attaques répétées, nous rappelons notre attachement à ce principe fondamental, pilier de la démocratie et nous renouvelons à Charles Enderlin notre soutien et notre solidarité. »

En France, il existe une raison des médias qui n’a rien à envier à la raison d’État. Elle se manifeste de la plus simple façon par l’exercice du terrorisme intellectuel, qui vise à tuer socialement tout contradicteur public d’un journaliste en place soutenu par son employeur, lorsque le contradicteur n’appartient pas à la caste journalistique(40). On peut y reconnaître la pathologie de la démocratie comme règne de l’opinion publique, dont les grands prêtres sont les journalistes. Le premier journaliste venu, qui ne cesse d’entendre le refrain de la « liberté de la presse condition de la démocratie », finit par y croire, puis, insensiblement, se met à croire qu’il incarne la liberté de penser et à se prendre pour la démocratie en personne et en action. Le critiquer revient à s’attaquer à la liberté de la presse et, par voie de conséquence, au régime démocratique. Il cesse d’être un simple citoyen pour appartenir à une catégorie enviée : il devient un intouchable de la République. Mettre en question l’objectivité d’un journaliste devient un crime de lèse-majesté. Répliquer en simple citoyen à une campagne de délation ou de diffamation est perçu comme un attentat contre la démocratie. Supposé infaillible, le journaliste est toujours innocent, quelles que soient ses affirmations non fondées, ses enquêtes bâclées, ses accusations mensongères, ses dénonciations calomnieuses. Ses crimes moraux sont toujours mis au compte des dégâts médiatiques collatéraux. Il n’est jamais vraiment tenu pour responsable de ses erreurs et de ses fautes. Or, le pouvoir de nuisance du journalisme est sans pareil, en raison d’une asymétrie de principe entre le journaliste peu scrupuleux, voire diffamateur, et sa victime, qui ne peut jamais avoir le dernier mot dans un système qu’elle ne maîtrise pas.

Le « droit de réponse » d’une victime ne se produit pas dans un univers symbolique ordonné au principe d’égalité et à la règle de réciprocité. Le journaliste peut librement attaquer quiconque, mais, quels que soient ses manquements à la déontologie professionnelle, il ne peut être attaqué sans aussitôt bénéficier d’un soutien à la fois aveugle et intéressé de la profession tout entière. Dans le pire des cas, il bénéficie d’une complaisance clanique. L’appartenance à la communauté des confrères est la garantie d’une haute protection. Le journaliste n’est-il pas l’incarnation même de la liberté d’expression ? Cette marque de vanité professionnelle ne serait que grotesque si elle ne s’accompagnait de la prétention à monopoliser ladite liberté d’expression. Odieuse prétention, qui justifie des pratiques d’esprit totalitaire : par l’exercice du terrorisme intellectuel devenu l’ethos des milieux médiatiques, un non-journaliste est voué à une liberté d’expression limitée, contrôlée, surveillée. Il est traité à cet égard comme un citoyen de seconde zone. Même lorsqu’il est doté de compétences reconnues, on lui fait comprendre avec paternalisme qu’il doit dire ce qu’on attend lui, ni plus ni moins. Le journaliste sait toujours plus et mieux que son interlocuteur ce qu’il convient de dire. Tout journaliste, qui pense n’avoir de comptes à rendre à personne, s’autorise avec arrogance et bonne conscience à lui demander des comptes. Pourquoi se gêner avec un citoyen sans qualités lorsqu’on procède ainsi avec les plus hauts responsables politiques qui ont pourtant, quant à eux, des moyens de rétorsion.

Il arrive qu’un citoyen ordinaire prenne le risque de contester la manière dont un journaliste a conduit une enquête ou commenté un événement. C’est là s’attaquer avec témérité à un représentant des intouchables médiatiques, à qui toute critique de leur travail est intolérable. Le premier réflexe du lobby des intouchables consiste à ne pas réagir, à faire silence, pour étouffer les voix dissidentes. Si la conspiration du silence ne suffit pas à empêcher la circulation de la parole critique, les intouchables recourent à une autre stratégie, qui consiste à s’indigner bruyamment et publiquement d’un tel affront, en dramatisant les enjeux (la « liberté d’expression menacée »), de façon à provoquer une mobilisation éventuellement encadrée et stimulée par un « appel » complaisamment publié dans la presse et signé aveuglément par la plupart des personnalités contactées. C’est ainsi que Théo Klein, signataire de la pétition « Pour Charles Enderlin », après avoir réaffirmé que son ami Charles était « un journaliste remarquable » - pétition de principe -, en arrive à répondre piteusement à la journaliste qui le presse (« N’y avait-il pas quelque doute sur la réalité du tir fatal ? Pourquoi avoir signé ce texte ? ») : « Ma chère, dit Théo Klein d’une voix extrêmement lasse. Je n’ai pas lu cette pétition. J’ai une dégénérescence rétinienne de la macula. Je ne peux plus lire.(41) » D’autres personnages honorables, qui ont le bonheur de voir encore, signent d’abord les yeux fermés, et s’interrogent ensuite, quand le vent semble tourner. La logique de la pétition est celle de l’exclusion et de la stigmatisation de l’effronté : on refuse en principe de discuter avec le contradicteur, on ne pense qu’à le « liquider », à le disqualifier. Pour anéantir socialement le contradicteur, le collectif conformiste, suivant la minorité active qui a pris l’initiative, va privilégier tel ou tel registre, telle ou telle méthode de disqualification : dénonciation, délation, procès d’intention, amalgame, diabolisation, censure, lynchage médiatique, poursuites judiciaires, etc. Au lieu de répondre aux arguments avancés par le contradicteur, et de revenir scrupuleusement aux faits pour mettre en discussion les hypothèses et les interprétations possibles, les intouchables médiatiques lancent une campagne de diffamation contre l’intrus, en le réduisant, par amalgame polémique, à n’être que le suppôt d’une catégorie ou d’un groupe diabolisé (« sioniste », « de droite dure » ou « d’extrême droite », par exemple). En déplaçant l’argumentation de la question posée vers la personnalité de celui qui la pose, on fait l’économie d’un long travail de reconstitution des faits et d’une discussion rationnelle des données. Il suffit de délégitimer le poseur de questions gênantes pour que ces dernières paraissent s’évanouir. Un tel acte de prestidigitation est souvent accompli par les journalistes qui négligent d’enquêter longuement pour pouvoir diffamer librement ceux qui mettent en cause leur manière de travailler.

De la connivence en milieu médiatique dérive l’entraide en circuit fermé : les signatures automatiques, au bas des pétitions défendant « l’honneur » de tel ou tel journaliste, illustrent bien la règle. Le scénario est simple : les intouchables défendent un intouchable. Et ce, sans prendre la peine d’examiner de près les résultats des enquêtes contradictoires effectuées. C’est ainsi que fonctionne le dogme de l’infaillibilité médiatique(42). Dans l’affaire al-Dura devenue l’affaire Enderlin/France 2, un sophisme résume la stratégie défensive des défenseurs de l’infaillible-intouchable : « Charles Enderlin est un journaliste chevronné et respectable ; or, un tel journaliste ne saurait manquer aux règles élémentaires de la profession ; donc, Charles Enderlin n’a pas fauté.
 » L’historien Élie Barnavi, après avoir mis en évidence ce syllogisme trompeur, ajoute avec sagesse : « Allons, messieurs les Journalistes, vous savez bien que ce syllogisme est vicié, et que nul n’a le monopole de la vérité, dont les voies sont parfois tortueuses et inattendues. (43)» Disons, d’une façon générale, que les journalistes n’ont pas le monopole de l’honnêteté intellectuelle, ni celui de la compétence en matière d’investigations. Et ils peuvent bien évidemment, comme tout citoyen, faillir à « l’honneur ». Quant à « l’honneur » et à la « réputation » des individus ou des groupes stigmatisés, calomniés, diffamés par tel ou tel journaliste, rares sont les journalistes qui s’en émeuvent publiquement. Ce serait trahir leur clan, se transformer en « renégats » et se condamner à l’exil, c’est-à-dire au chômage ou à la retraite anticipée. C’est l’intérêt bien compris de chacun qui suscite le geste de solidarité des membres de la profession. Corporatisme qui rime avec conformisme de groupe. Les traces d’une calomnie ou d’une diffamation médiatiques sont pourtant ineffaçables. Tout personnage public le sait, qu’il soit écrivain, intellectuel, comédien ou responsable politique, et en tient compte dès lors qu’il veut continuer d’exister socialement. Il doit supporter l’existence d’une presse partisane et souvent irresponsable, parfois délatrice, mais au bout du compte toute-puissante, imposant jalousement son « politiquement correct » par ses silences tactiques et ses jugements assassins.

Avec l’apparition d’un lobby des médias, une nouvelle caste d’intouchables est née dans les sociétés démocratiques, et plus particulièrement en France, où la presse témoigne à la fois d’un conformisme, d’un manque de curiosité et d’une absence de courage intellectuel remarquables. Dans l’univers communicationnaire à la française, l’esprit d’investigation et le goût des enquêtes scrupuleuses, dont fait preuve notamment la presse anglo-saxonne, semblent, à quelques notables exceptions près, avoir été remplacés par l’esprit de paresse et d’imitation, agrémenté d’un zeste ou d’un reste d’esprit militant (globalement de gauche) : on se contente le plus souvent de recopier les dépêches, en les censurant çà et là, selon l’opinion dominante, la pression idéologique du milieu ou les parti-pris de la rédaction. C’est ainsi qu’à la rubrique « Notre opinion », tout pense-menu expose avec jubilation, arrogance ou gravité sa « conception du monde », mélange peu ragoûtant de propos flatteurs, de poncifs et de pointes vipérines. D’où, à quelques exceptions près, cette oscillation caractéristique entre le discours démagogique visant à séduire et la pratique frénétique de la dénonciation, voire de la délation. On veut plaire à tout prix ou bien l’on jouit de salir et de détruire - les deux objectifs n’étant point incompatibles. C’est dans ce petit monde qu’on prétend défendre, en donnant de la voix, « l’honneur » et la « réputation » des journalistes toutes les fois qu’un journaliste ayant pignon sur rue est pris en flagrant délit d’incompétence, de légèreté dans l’établissement des faits ou de manipulation de l’information. Comment des individus qui se croient infaillibles et s’imaginent intouchables pourraient-ils reconnaître leurs erreurs ou leurs fautes, ou celles de leurs semblables(44) ? Comment pourraient présenter leurs excuses(45) ? Mais alors, comment pourraient-ils s’améliorer, ou simplement améliorer leurs pratiques professionnelles ? L’honneur du journalisme est incarné par ceux qui ont le courage de reconnaître leurs défaillances.

IV. L’hypothèse de l’« idiot utile »

Reste à s’interroger sur les raisons qui ont conduit le professionnel aguerri qu’est Charles Enderlin à sombrer dans ce qui ressemble à une faute professionnelle. Il faut tout d’abord tenir compte de la forte pression idéologique qui s’exerçait au début de l’Intifada Al-Aqsa. En février 2005, s’interrogeant sur le fait que les soldats israéliens avaient été si facilement accusés, sans la moindre preuve, d’avoir tiré sur l’enfant, le journaliste Daniel Leconte avait justement relevé qu’il existait une « grille de lecture de ce qui se passe au Proche-Orient »46, et que les commentateurs avaient une forte tendance à y adapter les événements relatés, moyennant quelques « corrections » et accommodations. Dans une interview, croyant ainsi pouvoir se justifier, Charles Enderlin a ingénument déclaré : « Pour moi, l’image correspondait à la réalité de la situation, non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie. 47» Dans son arrêt du 21 mai 2008, la cour d’appel de Paris, après avoir cité cette déclaration du journaliste, n’a pas manqué de l’opposer à la définition normative d’une information objective : « La définition d’un reportage s’entend comme le témoignage de ce que le journaliste a vu et entendu », avant de conclure qu’ainsi « Charles Enderlin a reconnu que le film qui a fait le tour du monde en entraînant des violences sans précédent dans toute la région ne correspondait peut-être pas au commentaire qu’il avait donné ». Telle est la tyrannie de l’idéologiquement correct, fondé sur un sommaire manichéisme : d’une part, les méchants agresseurs, incarnés par les soldats israéliens sans visage ou par leurs machines à tuer, les tanks ; d’autre part, les innocentes victimes, représentées par les enfants palestiniens, avec des visages d’enfants qui souffrent. Ce fut là peut-être le principal succès de la propagande anti-israélienne depuis la première Intifada : dans les années 1990, et massivement lors de l’Intifada Al-Aqsa, les dirigeants palestiniens, en stratèges cyniques, mettaient volontiers en avant les femmes et les enfants, donc des non-combattants supposés, susceptibles de faire d’émouvantes « victimes innocentes ». Le jeu manichéen des stéréotypes positifs et négatifs est devenu, en s’exportant dans le monde entier, un principe de codification des représentations du conflit israélo-arabe. C’est ainsi que l’idéologiquement vraisemblable a pu se transformer magiquement en réalité.

En outre, n’étant pas présent à Netzarim sur le lieu de la fusillade supposée, le journaliste Charles Enderlin, qu’il ait été ou non saisi par le désir du scoop, a vraisemblablement été manipulé par son caméraman palestinien qui, membre du Fatah, n’a jamais caché son engagement politique. Quand Talal Abu Rahma a reçu un prix, au Maroc, en 2001, pour sa vidéo sur al-Dura, il a déclaré à un journaliste : « Je suis venu au journalisme afin de poursuivre la lutte en faveur de mon peuple. 48» Quoi qu’il en soit, Richard Landes, présent lors de cette audience, a relevé le fait qu’il manquait dans les rushes présentés le 14 novembre par France 2 et Charles Enderlin à la Cour d’appel de Paris « les scènes les plus embarrassantes pour eux, notamment la scène du jeune au cocktail Molotov avec une tache rouge au front », avant d’ajouter : « Aux États-Unis, la présidente de la Cour aurait dit : “Comment osez-vous nous dire que vous avez enlevé les passages qui vous semblaient sans rapport ? C’est à nous de décider” »49. Charles Enderlin aura été le « dindon de la farce », embarqué malgré lui dans une guerre idéologique mondiale, jouant sans le savoir le rôle d’un « idiot utile » au service d’une cause qui ne peut pas être la sienne – celle des partisans de tous bords de la destruction d’Israël.

Mais le mal a été fait, et la rumeur criminalisante lancée. Innocente de ce dont on l’accusait, l’armée israélienne est devenue la cible de campagnes de diffamation visant, par un appel démagogique à l’émotion, à ternir l’image d’Israël. Une véritable opération de déshumanisation des « sionistes » a été orchestrée par tous les ennemis d’Israël, avec la complicité des médias manquant gravement à leur devoir d’objectivité. Des monuments commémoratifs se sont multipliés dans le monde musulman. La principale place de la capitale du Mali, Bamako, a été baptisée « place Mohammed al-Dura », où les autorités ont fait ériger un monument reproduisant une image des al-Dura, le fils blotti contre le père. En outre, exploitée par la propagande des islamistes radicaux, l’image du « petit Mohammed »-martyr a « sonné l’heure du Jihad mondial dans le monde musulman »50, un an avant les attentats antiaméricains du 11 septembre 2001. Cette image a paru confirmer l’une des affirmations récurrentes des hauts dirigeants d’Al-Qaida, selon laquelle les Juifs et leurs alliés américains « tuent les musulmans », ce qui justifiait le déclenchement du « Jihad défensif », impliquant l’obligation pour tout musulman de combattre les agresseurs des musulmans ou les envahisseurs des « terres musulmanes », bref tous les « ennemis de l’Islam »51.

Les islamistes palestiniens n’ont pas manqué d’instrumentaliser l’icône al-Dura dans la guerre politico-culturelle qu’ils mènent contre « l’ennemi sioniste » ou plus simplement « les Juifs ». Le Hamas s’est ainsi lancé dans une opération d’endoctrinement des jeunes enfants palestiniens dans la perspective du Jihad, en sloganisant l’accusation visant les Juifs comme « tueurs d’enfants ». Chaque vendredi après-midi, sur la chaîne satellitaire du Hamas, Al-Aqsa TV, est diffusée une émission pour enfants intitulée « Les Pionniers de demain ». La star de cette émission, très regardée par les enfants de tout le monde arabe, est une abeille géante nommée Nahoul. Le journaliste du Monde Benjamin Barthe présente ainsi cette émission de propagande : « Durant une demi-heure, Nahoul et la jeune présentatrice Saraa interprètent une série de sketchs entrecoupés d’interventions de spectateurs par téléphone. Les scénarios mêlent devinettes, conseils pratiques (“Les bienfaits de l’ananas”) et morale familiale (“Pourquoi il faut aimer sa mère”) à une forte dose de propagande islamiste, truffée d’apologie du “martyre” et d’incitation à la haine des “Juifs”. 52»

L’abeille Nahoul a remplacé la souris Farfour, personnage ressemblant à Mickey Mouse, dont l’un des messages, au printemps 2007, avait été un appel à libérer « les pays musulmans envahis par les assassins ». Réagissant à une menace de procès par la compagnie Disney, Al-Aqsa TV a décidé de sacrifier Farfour, non sans une ultime provocation, qui a consisté à mettre en scène la mort de la souris islamiste, victime de l’extrême violence d’un interrogateur israélien, désireux de lui voler sa propriété53. Le mot de la fin a été prononcé par la présentatrice Saraa : « Farfour est mort en martyr en protégeant sa terre, il a été tué par les tueurs d’enfants. » L’intention directrice de l’émission est parfaitement exprimée dans le charmant dialogue destiné à présenter le nouveau personnage :

« - Saraa : Qui es-tu ? D’ou viens-tu ?


- Nahoul : Je suis Nahoul l’abeille, le cousin de Farfour. 


- Saraa : Qu’est-ce que tu veux ?


- Nahoul : Je veux suivre les pas de Farfour
.

- Saraa : Ah ? Comment ça ?

- 
Nahoul : Oui, le chemin de l’Islam, de l’héroïsme, du martyr et des Moudjahidines. Nous prendrons notre revanche sur les ennemis d’Allah, les assassins d’enfants innocents, les tueurs de prophètes, jusqu’à ce que nous libérions Al-Aqsa de leur impureté…

- 
Saraa : Bienvenue, Nahoul. »

L’objectif d’une telle émission est clair : conduire les jeunes téléspectateurs à intérioriser cette représentation du Juif comme criminel et infanticide afin de les disposer à devenir des combattants fanatiques. La légende du « crime rituel juif », réactivée par l’exploitation symbolique de la « mort en direct » du jeune al-Dura, est devenue une source d’inspiration pour toutes les formes culturelles de la propagande antijuive contemporaine, des timbres-poste et des affiches à l’effigie d’al-Dura aux émissions interactives de télévision. Il est hautement significatif que, face aux critiques, Hazem Sharawi, le jeune concepteur des « Pionniers de demain », ait ainsi défendu son émission : « Nous ne faisons que refléter la réalité. Regardez ce qui est arrivé à Mohammed al-Dura… ». Pour les professionnels de la criminalisation des Juifs, l’absence de preuve de la mort d’al-Dura est devenue la preuve par al-Dura. La poupée engagée a donc continué à prêcher le Jihad. Le journaliste du Monde souligne l’association récurrente entre l’appel au Jihad et le thème répulsif du « Juif tueur d’enfants » : « Dans un épisode diffusé fin juillet [2007], l’abeille islamiste parle de libérer la mosquée Al-Aqsa, dans la Vieille Ville de Jérusalem, des “impuretés des Juifs criminels”. À une petite spectatrice qui explique par téléphone vouloir devenir “journaliste”, Nahoul conseille de “photographier les Juifs quand ils tuent les enfants”. Puis une autre fillette appelle et clame que, une fois grande, elle sera une “combattante du Jihad”. “Si Dieu le veut”, répond Saraa, comblée par la ferveur islamiste de son très jeune public. 54» On trouve une forme hyperbolique de l’accusation d’infanticide dans un dessin de propagande « antisioniste » dû au caricaturiste palestinien Alaa’ Allaqta qui, né au camp de réfugiés d’Al-Shati dans la bande de Gaza, vit depuis 2006 au Caire où il exerce sa profession de médecin. Sollicitant dans ses caricatures la plupart des stéréotypes antijuifs traditionnels, avec une préférence pour le symbole du serpent, Allaqta est un collaborateur régulier du quotidien du Hamas distribué dans la bande de Gaza, Felesteen, du site Internet du Jihad islamique palestinien, Paltoday, ainsi que de divers journaux saoudiens (tel Al-Madinah) et qataris (tel Al-Sharq). Le dessin en question, publié le 14 mai 2007 dans le journal qtari Al-Sharq, représente un Israélien, dont on voit que la main armée d’un revolver et la manche ornée d’une étoile de David, tirant à bout portant sur un fœtus palestinien, en visant la tête55. La légende précise : « L’objectif d’Israël est [de tuer] des fœtus [palestiniens] dans le ventre de leur mère. » Ce qui est suggéré par cette caricature de combat, c’est que les Juifs ne se contentent pas de tuer des « enfants palestiniens innocents » : ces fils de Satan s’attaquent aux fœtus, donc à des êtres intrinsèquement innocents.

On ne saurait sous-estimer ni l’importance, ni la gravité des conséquences de l’opération de propagande autour de l’icône al-Dura, qui a touché le public planétaire. Elles ne pourront jamais être totalement effacées, quels que soient les résultats de la contre-offensive intellectuelle récemment lancée par des universitaires et des journalistes soucieux de rétablir la vérité. Le reportage trompeur de France 2 a puissamment servi à diaboliser et à criminaliser Israël en réactivant le mythe du Juif tueur d’enfants, tout en alimentant le discours des partisans du « Jihad défensif » mondial. Le 15 janvier 2008, Richard Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France), a appelé à la création d’une commission d’enquête technique composée de divers spécialistes (balistique, médecine légale, analyse d’images, etc.), qui devraient « enquêter sur les documents primitifs - le master - pour avoir des images de meilleure qualité afin d’éclaircir ce qui s’est passé ». Ces images, telles qu’elles ont été diffusées et commentées, ont à la fois nourri la haine envers Israël et incité au passage à l’acte : elles « ont tué, car elles ont créé des vocations de terroristes »56. Lors d’une conférence de presse organisée par le Crif le 2 juillet 2008, Richard Prasquier a réitéré sa demande d’une commission d’enquête indépendante, précisant qu’il avait écrit en ce sens au Président de la République en juin 200857. L’établissement de la vérité dans cette affaire semble en effet requérir la constitution d’une commission d’enquête internationale, composée d’experts indépendants58.

Le 31 janvier 2008, dans The Wall Street Journal, Judea Pearl, le père de Daniel Pearl, journaliste assassiné d’une façon particulièrement sauvage par des islamistes pakistanais fin janvier 2002, a rappelé avec fermeté la responsabilité des médias dans l’entretien des haines idéologisées :

« Cette semaine marque le sixième anniversaire du meurtre de mon fils Daniel Pearl, reporter de ce journal (...). La presse et les médias ont eu un rôle actif, peut-être même principal dans la fermentation de la haine et de l’inhumanité (...). Des photos de Mohammed al-Dura ont été utilisées en arrière-plan de la vidéo du meurtre de Danny (...). La scène [de la mort de Mohammed al-Dura] a été très vraisemblablement chorégraphiée par des cameramen de la chaîne France 2, qui l’a distribuée dans le monde à ceux qui avaient besoin d’une excuse pour faire monter la violence, et parmi eux les tueurs de Danny (...). Les médias ne peuvent pas être totalement exonérés de la responsabilité du meurtre de Daniel. 59»

En Israël, la prise de conscience du rôle des médias dans de telles opérations de propagande a stimulé la volonté de faire toute la vérité sur « l’affaire al-Dura ». Dans un article mis en ligne le 3 février 2008 par Ynetnews, l’écrivain Frimet Roth, citoyenne israélienne et mère de Malki Roth, tuée lors d’un attentat terroriste palestinien au restaurant Sbarro en 2001, faisait observer que « Charles Enderlin a révélé que Yasser Arafat avait mis en scène son don de sang aux victimes des attentats du 11 septembre 2001, à l’attention des médias, pour contrer l’effet des images embarrassantes de Palestiniens fêtant ces attentats dans les rues ». Frimet Roth poursuivait en notant que cette révélation « illustre à quel point tous ceux qui sont impliqués dans la diffusion du mythe al-Dura continuent à faire preuve d’impudence », et déplorait le fait que ces derniers « bénéficient du soutien du gouvernement français, soucieux de défendre la réputation de sa chaîne de télévision ». Mais Frimet Roth ne se montrait pas moins indignée par « le silence du gouvernement israélien » qui, selon elle, « doit rétracter officiellement son aveu de culpabilité et affirmer qu’il n’a en rien contribué à la mort d’al-Dura, si celui-ci a été tué »60. En réalité, les autorités israéliennes, dans un premier temps et avant toute enquête, n’avaient pas formellement écarté l’hypothèse que des balles d’origine israélienne aient pu toucher l’enfant. Cette hypothèse a été définitivement abandonnée comme hautement improbable à la suite de l’enquête menée par l’armée israélienne en octobre et novembre 2000, à la requête du général Yom-Tov Samia. Le 2 juillet 2008, le ministère israélien des Affaires étrangères a diffusé le communiqué suivant : « L’État d’Israël soutient tous les efforts qui peuvent être déployés dans le but de dévoiler la vérité dans la tragique affaire “Mohammed al-Dura”. Israël rappelle que les autorités de Tsahal avaient enquêté sur les circonstances de cette tragédie. Le rapport, publié déjà en novembre 2000, avait établi l’incertitude quant à l’origine des tirs. En tant qu’État démocratique qui respecte la liberté d’expression et la liberté de la presse quotidiennement et en toute circonstance, Israël appuie toute procédure à même de contribuer à établir la vérité, que ce soit au regard de l’événement lui-même ou que ce soit au regard de la manière avec laquelle la presse l’a couvert. »

Dans l’affaire al-Dura, contrairement par exemple à l’affaire Dreyfus, le Juif innocent injustement accusé n’est pas un individu, c’est un être collectif : les Israéliens, diabolisés à travers leur armée polémiquement construite comme tueuse d’enfants arabo-musulmans, et, plus largement, les « sionistes », c’est-à-dire les Juifs, pour tous leurs ennemis. Depuis octobre 2000, ce reportage n’a cessé d’alimenter, dans le monde musulman, le discours de propagande et d’endoctrinement fondé sur le culte du « martyr », dont l’objectif est d’inculquer, notamment aux enfants, les idéaux liés au Jihad, culminant dans la mort en « martyr » illustrée par les « attentats-suicides ». Ce reportage a également encouragé, dans le monde occidental, les accusateurs professionnels d’Israël, comme ce sous-préfet français osant affirmer sur un site islamiste, en mars 2008, qu’Israël est le « seul État au monde dont les snipers abattent des fillettes à la sortie des écoles »61. Ce qui revient à accuser l’État d’Israël de pratiquer, contre les Palestiniens, l’infanticide rituel. L’affaire al-Dura ne fait vraisemblablement que commencer.

Lire aussi l'article suivant de Rudy Reischstadt " Des mythes concurrents sur fond d'Intifada"

NOTES ______________________________

1 Pour une analyse approfondie, voir Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes. Des Lumières au Jihad mondial, Paris, Éditions Odile Jacob, 2008, pp. 262-308.

2 Sur la formation et les exploitations du mythe du « crime rituel » chez les Juifs, voir notamment Ronnie Po-chia Hsia, The Myth of Ritual Murder : Jews and Magic in Reformation Germany, New Haven et Londres, Yale University Press, 1988 ; Gavin I. Langmuir, Toward a Definition of Antisemitism, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1990 pp. 209-298, 306-307, 334-335 ; Alan Dundes (ed.), The Blood Libel Legend : A Casebook in Anti-Semitic Folklore, Madison, Wisc., et Londres, The University of Wisconsin Press, 1991 ; Marie-France Rouart, Le Crime rituel ou le sang de l’autre, Paris, Berg International, 1997 ; Jonathan Frankel, The Damascus Affair : « Ritual Murder », Politics, and the Jews in 1840, New York et Cambridge, Cambridge University Press, 1997.

3 Joël et Dan Kotek, Au nom de l’antisionisme. L’image des Juifs et d’Israël dans la caricature depuis la seconde Intifada, avant-propos de Plantu, Bruxelles, Éditions Complexe, 2003.

4 Nous nous sommes résolus à unifier l’orthographe des noms propres des principaux acteurs palestiniens du drame, y compris dans les titres d’articles et les passages cités (à quelques exceptions près) : Mohammed al-Dura (plutôt que « Mohamed Al-Doura », « al-Durah » ou « Al Dura »), Talal Abu Rahma (plutôt que « Talal Abou Rahmeh »).

5 Voir Tom Gross, « Spotlight on “L’affaire al-Dura” », site HonestReporting ; tr. fr. Menahem Macina : « Coup de projecteur sur l’affaire al-Dura », 26 février 2008, http://www.upjf.org/preview.do?noArticle=13808.

6 Paris, Éditions Raphaël.

7http://www.debriefing.org/25333.html.

8 25 décembre 2003, http://www.upjf.org/documents/showthread.php?threadid=5745.

9 Le Confidentiel, n° 3, janvier-février 2004, pp. 19-25 (dossier).

10 Pour l’état de la question à l’automne 2004, voir Pierre-André Taguieff, Prêcheurs de haine. Traversée de la judéophobie planétaire, Paris, Mille et une nuits, 2004, pp. 367-371.

11 Pour une typologie plus fine, voir Richard Landes, « Cinq scenarii pour l’affaire al-Dura » (29 octobre 2006), tr. fr. Menahem Macina, http://www.upjf.org, 17 novembre 2007.

12 Anat Cygielman, « Dubious Probe of the al-Dura Case Backfires », 7 novembre 2000 ; tr. fr. : « L’enquête sur l’affaire al-Dura ne convainc pas la presse ».

13 David Kupelian, « Who Killed Mohammed al-Dura ? 12-Year-Old Palestinian Martyr Likely Killed by his Own People », World Net Daily, 4 décembre 2000 ; tr. fr. Menahem Macina, in art. cité infra, note 13.

14 Menahem Macina, « Al-Dura victime de Palestiniens, pas d’un complot journalistique », 27 novembre 2004 (mis à jour le 3 décembre 2004), http://www.debriefing.org/0189.html?print=1. De Menahem Macina, voir aussi les articles importants : « Affaire al-Dura : le piège palestinien dans lequel il ne faut pas tomber », 12 juillet 2008, http://www.upjf.org; « Éviter le piège al-Dura (II) : “théorie du tout-mis-en-scène”, ou “théorie de l’exécution préalable” ? », 15 juillet 2008, http://www.upjf.org.

15 Voir Richard Landes, « Procès al-Dura : état d’esprit de la France du début du XXIe siècle » (5 septembre 2006), tr. fr. Menahem Macina, mis en ligne le 12 septembre 2006 sur le site http://www.debriefing.org/19033.html?print=1.

16 Stéphane Durand-Souffland, « France 2 blanchie pour l’image choc de l’Intifada », Le Figaro, 20 octobre 2006 ; Pascale Robert-Diard, « Charles Enderlin et France 2 gagnent leur procès », Le Monde, 21 octobre 2006.

17 Voir Pascale Robert-Diard, « Charles Enderlin perd son procès en diffamation », Le Monde, 25 mai 2008.

18 L’affaire est présentée d’une façon assez bien documentée, avec de nombreux liens, dans l’article de Wikipédia : « Affaire Mohammed al-Durah », http://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Mohamed_Al-Durah, consulté le 15 septembre 2008. Pour la recherche d’articles consacrés à l’affaire, voir surtout les sites suivants : http://www.debriefing.org; http://www.upjf.org.

19 Voir Pierre-André Taguieff, La Nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits, 2002, p. 187 ; Id., Prêcheurs de haine, op. cit., pp. 258-259.

20 Daniel Pearl, journaliste du Wall Street Journal, était âgé de trente-huit ans lorsqu’il fut enlevé le 23 janvier 2002 par des inconnus au Pakistan où il était en reportage. Après une courte détention, il fut assassiné le 29 ou le 30 janvier. Son assassinat a été soigneusement mis en scène et filmé, à des fins de propagande : immédiatement après avoir été contraint, par ses geôliers munis de couteaux, de déclarer qu’il était juif, et que son père était juif, il fut décapité, et une caméra filma l’image de sa tête, séparée du corps. Son corps fut ensuite dépecé et découpé en neuf morceaux. C’est seulement trois semaines plus tard, le 21 février, par une vidéo réalisée par les assassins et diffusée sur Internet, que les enquêteurs ont pris connaissance des circonstances du meurtre. Quelques mois plus tard, Omar Saïd Sheikh, le « cerveau » de l’opération, arrêté le 5 février, était condamné à la peine de mort par pendaison. Le groupe d’assassins était constitué d’islamistes liés à Al-Qaida et aux services secrets pakistanais.

21 Voir Richard Landes, « Al-Dura and the “Public Secret” of Middle East Journalism », tr. fr. Menahem Macina : « Al-Dura et le “secret d’intérêt public” du journalisme au Moyen-Orient » ; mis en ligne le 7 novembre 2007 sur http://www.upjf.org.

22 Richard Landes, « Le petit Mohammed, martyr : premier “meurtre rituel” du XXIe siècle », communication au colloque « Le mythe du meurtre rituel, d’hier à aujourd’hui », Paris, Collège des Études juives de l’Alliance israélite universelle (dir. : Shmuel Trigano), 18 novembre 2007.

23 Voir Adi Schwartz, « In the Footsteps of the al-Dura Controversy », Haaretz, 2 novembre 2007 ; tr. fr. Menahem Macina : « L’affaire al-Dura revisitée », http://www.upjf.org/preview.do?noArticle=13308.

24 Proche-orient.info, 1er octobre 2002 (site fermé fin 2006). Le journaliste avait déclaré exactement sur France 2 : « Le père et l’enfant sont la cible des tirs en provenance de la position israélienne ». Le 2 octobre 2002, le Collectif contre la désinformation, rassemblant diverses associations dont le B’nai B’rith et la Ligue contre la désinformation, a appelé à manifester devant le siège de France 2, pour protester contre ce qui apparaissait déjà à beaucoup d’observateurs comme une imposture.

25 Voir la mise au point de Gérard Huber, interviewé par Véronique Chemla sur l’affaire al-Dura, Guysen International News, 27 décembre 2007 ; http://www.guysen.com/print.php?sid=6541. Pour un point de vue plus sévère pour Charles Enderlin, voir Stéphane Juffa, « Ma parole d’antisémite », 16 février 2008, Metula News Agency (Ména), htttp:/www.menapress.com.

26 Mohammed al-Dura a été enterré en « martyr » sans tarder le 30 septembre 2000, suivi d’un immense cortège dans les rues de Gaza. Ce qui ne prouve rien : d’une façon fort suspecte, l’Autorité palestinienne a refusé de remettre le corps de l’enfant, même à une organisation neutre, en vue d’une autopsie qui seule aurait pu déterminer l’origine et les caractéristiques de la balle ou des balles supposée(s) mortelle(s).

27 Pour une synthèse des résultats des diverses enquêtes, voir « La mort du petit Mohammed et la salissure programmée d’Israël (Complicité de France 2 ou naïveté partisane ?) », http://www.debriefing.org/A-Dura/index.php.

28 Dans l’inventaire des scenarii dressé par Richard Landes, ces deux hypothèses correspondent respectivement au scénario 3 (« Les Palestiniens ont abattu l’enfant par accident ») et au scénario 4 (« Les Palestiniens ont délibérément abattu l’enfant »). Voir Richard Landes, « Cinq scenarii pour l’affaire al-Dura », 29 octobre 2006, tr. fr. « Pistache », http://www.upjf.org. La thèse de l’assassinat de l’enfant par des tireurs palestiniens embusqués derrière le caméraman Tal Abu Rahma a été avancée fin octobre 2000 par l’expert Joseph Doriel, suivi par David Kupelian dans un article du 4 décembre 2000, puis reprise par Menahem Macina dans plusieurs articles, notamment ceux publiés le 27 novembre 2004 et le 12 juillet 2008, où il propose une synthèse de la thèse de Doriel (scénario 4) et de la thèse de la mise en scène palestinienne (scénario 5).

29 La lettre adressée le 10 septembre 2007 est signée par le colonel Shlomi Am-Shalom, adjoint du porte-parole de Tsahal (http://www.debriefing.org, 7 octobre 2007) ; « Israël accuse France 2 d'avoir mis en scène la mort du petit Mohammed », dépêche de l’agence Associated Press, 2 octobre 2007.

30 Voir Denis Jeambar et Daniel Leconte, « Guet-apens dans la guerre des images », Le Figaro, 25 janvier 2005 ; Luc Rosenzweig, Lettre à mes amis propalestiniens, Paris, Éditions de La Martinière, 2005.

31 Voir Phyllis Chesler, « An Unassuming Hero Standing Up Fro Truth », The Jewish Press, 24 octobre 2007 ; http://www.jewishpress.com.

32 Voir Melanie Phillips, « The Al Durah Blood Libel », The Spectator, 14 novembre 2007, http://www.spectator.co.uk/melaniephillips/354621/the-al-durah-blood-libel.thtml; « Affaire du petit Mohammed : la justice visionne les rushes d’un reportage de France 2, accusé de trucage », AFP, 14 novembre 2007, http://afp.google.com/article/AleqM5gWP4c4mcIBBZEw-RjHnOnfWliHmw ; « Procès al-Doura : France 2 dévoile des images non diffusées », France-Info, 15 novembre 2007, http://www.france-info.com; Véronique Chemla, « Mohammed al-Dura est vivant à la fin des rushes de France 2 ! », 15 novembre 2007, http://www.guysen.com/print.php?sid=6363; Nidra Poller, « Al Dura Affair : France 2 Cooks the Raw Footage », 15 novembre 2007, http://pajamasmedia.com/2007/11/al_dura_affair_the_raw_footage.php.

33 « Affaire du petit Mohammed…», art. cit.

34 Lors d’une interview parue dans Télérama en octobre 2000, Charles Enderlin a déclaré : « J’ai coupé l’agonie de l’enfant, c’était trop insupportable ».

35 Rapport de Jean-Claude Schlinger, http://www.m-r.fr/balistique.pdf ; passage cité par Véronique Chemla, « Un expert en balistique estime “sérieuse” la possibilité d’une “mise en scène” de la “mort” de Mohammed al-Dura », Guysen.International.News, 27 février 2008. Maître Patrick Maisonneuve, l’un des deux avocats de Philippe Karsenty, a demandé que cet expert soit cité en tant que témoin afin qu’il réponde aux questions de la cour et des avocats et que son rapport soit discuté. Pour des raisons de procédure, la cour a rejeté cette demande. Pour un compte rendu des débats, voir Véronique Chemla, « France 2 et Charles Enderlin n’expliquent pas à la cour d’appel de Paris les incohérences et contradictions relatives à l’incident al-Dura », Guysen Israel News, 2 mars 2008, http://www.guysen.com/print.php?sid=6820. L’arrêt doit être rendu le 21 mai 2008.

36 Sur l’arrêt du 21 mai 2008, voir l’article non signé : « “L’affaire du petit Mohammed” devant les tribunaux français. Pourquoi la cour d’appel de Paris a débouté Charles Enderlin et France 2 de leur action contre Philipppe Karsenty », L’Arche, n° 601, juin 2008, pp. 62-64.

37 Voir Véronique Chemla, « L’arrêt de la cour d’appel de Paris relaxant Philippe Karsenty tance sévèrement France 2 et Charles Enderlin », Guysen Israel News, 24 mai 2008.

38 Élie Barnavi, « L’honneur du journalisme », Marianne, n° 581, 7-13 juin 2008.

39 Dans son éditorial du Nouvel Observateur daté du 19 au 25 juin 2008 (p. 44), Jean Daniel, pourtant ébranlé par l’article d’Élie Barnavi au point d’avoir lancé le 12 juin 2008 à la fin de son éditorial hebdomadaire : « Je fais mon enquête personnelle » (p. 46), présente encore cette hypothèse hautement improbable comme un fait établi (« Mohammed al-Doura, victime de tirs provenant de positions israéliennes »), se contentant d’ajouter qu’il s’agit là d’une « version cependant contestée par certains ».

40 Voir Caroline Glick, « The Media and Endurng Narrative », The Jerusalem Post, 8 juillet 2008 ; tr. fr. Menahem Macina : « [Al-Dura, Jénine, Kfar Kana] : Le “narratif” de la presse perdure », 10 juillet 2008, http://debriefing.org/26703.html?print=1.

41 La direction de France 2, prenant acte des contre-enquêtes et des expertises contredisant la version de Charles Enderlin, et constatant les dégâts occasionnés par l’affaire al-Dura, aurait pu cesser de manifester une solidarité aveugle avec son journaliste. Il n’en a rien été. Voir l’interview d’Arlette Chabot, directrice de l’information de France 2, par Shlomo Malka, RCJ, 3 juillet 2008 ; transcription par Menahem Macina : « A. Chabot, sur la défensive, au micro de RCJ : commission al-Dura, oui, mais sans le Crif ! », http://www.upjf.org, 6 juillet 2008.

42 Théo Klein, cité par Anne-Elisabeth Moutet, « L’Affaire Enderlin : Being Journalist Means Never Having to Say you’re Sorry », The Weekly Standard, vol. 013, Issue 41, 7 juillet 2008 ; tr. fr. Menahem Macina : « L’affaire Enderlin : être un journaliste français implique de ne jamais s’excuser », http://debriefing.org/26625.html?print=1.

43 Voir Elisabeth Lévy et Gil Mihaely, « Mohamed Al Doura et le Parti des Médias », 17 avril 2008, http://www.causeur.fr/mohamed-al-doura-et-le-parti-des-medias/3.

44 Élie Barnavi, art. cit. Voir aussi Ivan Rioufol, « Les médias, pouvoir intouchable », Le Figaro, 13 juin 2008 ; Philippe Bensoussan et Jacques Tarnero, « La bonne conscience est en marche : Circulez ! Y’a rien à voir ! », http://www.crif.org, 20 juin 2008 ; Luc Rosenzweig, « La pétition de la honte », 9 juillet 2008, http://www.m-r.fr/actualite.php?id=1501. Voir aussi l’article courageux de Guy Sitbon, « Fiable et faillible », Marianne, n° 584, 28 juin-4 juillet 2008, pp. 32-33.

45 Voir la « réplique » de l’inébranlable Charles Enderlin à Élie Barnavi : « Des accusations fausses et inadmissibles », Marianne, n° 583, 21-27 juin 2008, pp. 34-35.

46 Voir Anne-Elisabeth Moutet, « L’affaire Enderlin : être un journaliste français implique de ne jamais s’excuser », art. cit.

47 Daniel Leconte, interviewé sur RCJ, février 2005.

48 Charles Enderlin, cité par Richard Landes, « “Fake But Accurate” – Enderlin’s Escape Clause », http://www.theaugeanstables.com/, 5 octobre 2007 ; tr. fr. Menahem Macina : « Affaire al-Dura : “Inventé mais exact”. L’échappatoire d’Enderlin », http://www.upjf.org/, 11 octobre 2007.

49 Cité par Richard Landes, « Al-Dura et le “secret d’intérêt public” du journalisme au Moyen-Orient », art. cit.

50 Richard Landes, communication au colloque « Le mythe du meurtre rituel, d’hier à aujourd’hui », Paris, 18 novembre 2007 ; cité par Guysen.International.News, 19 novembre 2007.

51 Richard Landes, ibid.

52 La distinction entre « Jihad offensif » et « Jihad défensif » a été théorisée dans les années 1980 par l’islamiste palestinien Abdallah Azzam – disciple de Sayyid Qutb et ancien professeur de Ben Laden -, qui partageait en Afghanistan, avec Ben Laden, la direction du « Bureau des Services », lequel, destiné à recruter et à encadrer les combattants étrangers (en particulier arabes) contre les Soviétiques, aura constitué la forme embryonnaire d’Al-Qaida. Voir Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, op. cit., pp. 54-63.

53 Benjamin Barthe, « Star de la chaîne islamiste, Nahoul l’abeille prêche le maryre aux enfants », Le Monde, 27 août 2007. Voir aussi « Islam : la TV du Hamas veut pousser les enfants au martyre », http://www.memritv.org/clip/en/1579.htm, 12 octobre 2007.

54 « Nahoul the Bee Replaces Farfour – Hamas Mickey Mouse – and Vows to Continue on His Path of Martyrdom and Jihad », http://www.memritv.org/clip/en/1510.htm, 13 juillet 2007.

55 « Après Mickey, Nahoul l’abeille appelle les enfants palestiniens à la guerre », http://bafweb.com/index.php?s=aqsa, 12 novembre 2007.

56 Benjamin Barthe, art. cit.

57 Voir le dossier sur le caricaturiste Allaqta et ses dessins, publié le 15 novembre 2007 par le Centre d’Information sur les Renseignements et le Terrorisme au Centre d’Études Spéciales (CES).

58 Richard Prasquier, interview sur RCJ, 15 janvier 2008 ; Guysen.International.News, 16 janvier 2008. Voir aussi Richard Prasquier, « Affaire al-Dura : il n’est pas trop tard pour savoir », Actualité juive, 10 avril 2008 ; « Le Crif demande une commission d’experts sur l’Affaire al-Dura », http://www.crif.org, 16 juin 2008.

59 Alain Barluet et Stéphane Durand-Souffland, « Intifada : cette viséo qui déchaîne les passions », Le Figaro, 2 juillet 2008 ; Aurélie Armynot du Châtelet, « Gaza – Le Crif demande une commission d’enquête pour l’affaire al-Dura », France-Soir, 3 juillet 2008, p. 12 ; Véronique Chemla, « Le Crif demande une commission d’enquête indépendante composée d’experts afin d’établir la vérité dans l’affaire al-Dura », Guysen.International.News, 3 juillet 2008 ; Devorah Lauter, « French Jewry to Sarkozy : Investigate al-Dura Incident », JTA, 8 juillet 2008, http://www.libertyforum.org.

60 Voir cependant les objections avancées par Menahem Macina dans ses articles des 12 et 15 juillet 2008 : « Affaire al-Dura : le piège palestinien dans lequel il ne faut pas tomber » (art. cit.), et « Éviter le piège al-Dura (III) » (art. cit.).

61 Cité par Guysen.International.News., 3 février 2008.

62 Frimeth Roth, « Truth About Lethal Issue », Ynetnews.com, 2 février 2008. Voir aussi Guysen.International.News, 14 février 2008. Frimet Roth et son mari ont créé en Israël la Fondation Malki.

63 Bruno Guigue, « Quand le lobby pro-israélien se déchaîne contre l’ONU », http://www.oumma.com/, 13 mars 2008. À la suite de la diffusion de cet article, son auteur, sous-préfet de Saintes (Charente-Maritime), a été limogé par le ministre de l’Intérieur, le 19 mars 2008, pour avoir enfreint son devoir de réserve. Voir Le Monde, 25 mars 2008, p. 10 : « Sous-préfet limogé le 19 mars, M. Guigue écrivait depuis 2006 sur le site oumma.com ». Le 5 avril 2008 était publiée une « Pétition de soutien à Bruno Guigue », signée par des « antisionistes » d’extrême gauche de toutes obédiences. Le 21 avril 2008, sur le site islamiste oumma.com, Bruno Guigue déclarait, posant en rebelle : « Ma faute ? Avoir heurté de plein fouet la doxa occidentale ». S’il y a une « doxa occidentale », mondialement diffusée, elle est bien plutôt structurée par un antiaméricanisme rabique et un antisionisme radical, appelant à la destruction de l’État d’Israël. De cette vulgate mondialisée, Buno Guigue est l’un des innombrables porte-parole de langue française, aux côtés des « phares » Garaudy et Dieudonné.



http://www.lemeilleurdesmondes.org/A_chaud_Pierre-Andre-Taguieff-affaire-al-Dura-ou-le-renforcement-des-stereotypes-an.htm

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